« Instagram is a fast, beautiful and fun way to share your life with friends and family… It's a new way to see the world »*
Instagram a été créé en 2010 et vient d’être acheté par Facebook pour un montant d’environ un milliard de dollars. C’est une application gratuite pour smartphones et tablettes numériques qui revendique plus de 100 millions d’utilisateurs et qui permet de publier des photos et vidéos auprès d’un réseau d’abonnés ainsi que de faire des commentaires sur les images publiées par d’autres utilisateurs ; le principe étant de conjuguer la fonction appareil photo d’un smartphone (la phonéographie) avec sa capacité de diffusion par le réseau.
Afin de rendre un peu plus ludique et créatif cet exercice de diffusion, l’application vous oblige à recadrer l’image originale (format carré) et vous propose une série de filtres ;permettant d’ajouter à chaque photographie un « effet » choisi qui donnera à l’image une qualité particulière rappelant les images Polaroïd des années 70 mais affirmant en même temps sa qualité d’image Instagram.
L’utilisateur d’Instagram s’adresse donc à d’autres utilisateurs d’Instagram et s’inscrit dans une dynamique de réseau social où chacun publie ses images destinées à son réseau. Ce réseau est susceptible de se développer au fur et à mesure des « rencontres » suscitant de nouveaux abonnés. Deux qualités se retrouvent donc indissociables dans ce processus : la production de l’image et sa diffusion ; produire une image Instagram c’est la diffuser sur le réseau, l’image n’existe que parce qu’elle est partagée !
Peut-on donc qualifier l’image Instagram de photographique ? L’objet photographique n’existe plus puisque l’application ne permet pas l’impression de l’image. Par contre, il est
désormais possible de publier ses images Instagram sur d’autres plates-formes de réseaux sociaux tels Facebook, Tumblr ou Twitter et ainsi d’élargir son champ de diffusion à ses amis et abonnés qui ne sont pas sur Instagram. Il semblerait donc que la dimension « sociale » qui s’exprime par l’idée de partage des images et par les réactions (le nombre de ♥ ou de j’aime !) qu’elles suscitent prenne le dessus sur l’image elle même. L’image Instagram est d’ailleurs par définition de qualité médiocre d’un point de vue technique puisque elle a été prise avec un smartphone équipé d’un objectif peu performant et n’offre donc qu’une résolution limitée, destinée à une lecture sur écran de petit format. Le procédé de filtres permettant d’ajouter à l’image des effets « polaroïd » servirait alors de subterfuge cosmétique destiné à caricaturer de façon paradoxale ce qui représente le mieux l’image photographique traditionnelle dans toute sa matérialité : le polaroïd ; image unique autant qu’image objet à l’opposé de l’image Instagram : immatérielle et diffusée en grand nombre.
Mais l’image Instagram s’inscrit tout de même dans une pratique photographique conventionnelle puisqu’il s’agit dans un premier temps de capturer à l’aide d’un téléphone/appareil photo un instant privilégié d’un intérêt particulier. Le choix de publier l’image sur le réseau et d’en faire ainsi une image Instagram relève d’une nouvelle pratique consistant à nourrir ce flux incessant d’images/instants destinés à ses abonnés et ainsi affirmer son appartenance à une communauté tout en rappelant, avec chaque image et de manière narcissique, son existence et sa singularité ! Je publie des images destinées à être « aimées » par le plus grand nombre … , donc j’existe !
* « Instagram vous permet de partager votre vie avec vos amis et votre famille de manière rapide, séduisante et amusante… C’est une nouvelle manière de voir le monde. » . Texte d’introduction de la page d’accueil du siteInternet où vous pouvez télécharger l’application.
Nicolas Baudouin
Il n’en reste pas moins que l’application Instagram invite le photographe/plasticien à penser différemment la pratique photographique en acceptant ces nouvelles limites et particularités qui lui sont proposées pour les transformer en éléments constituants d’un nouveau champ esthétique à explorer dans une démarche que l’on pourrait qualifier de post-photographique…
D’ailleurs, l’image Polaroid n’était-elle pas déjà post-photographique ?